Discours de Ventotene

Philippe Laurette

Actualité

31 août 2024


A l’occasion du séminaire européen de formation des fédéralistes consacré au « fédéralisme en Europe et dans le monde » organisé par l’institut d’études fédéralistes « Altiero Spinelli » et la commune de Ventotene (Latina), Philippe Laurette est intervenu lors d’une table ronde.

Un grand merci pour l’invitation et le travail des organisateurs. Je suis très heureux d’intervenir en compagnie de grands européens. C’est avec beaucoup d’émotions que je reviens à Ventotene.

J’avais eu la chance de participer à plusieurs séminaires des JEF ici. Pour les jeunes présents aujourd’hui c’est une opportunité exceptionnelle :

  • d’échanger avec des jeunes de différents pays,
  •  de découvrir des cultures et des pratiques différentes,
  •  de créer des réseaux ,
  •  de s’enrichir intellectuellement,
  •  de profiter de ce beau lieu chargé d’histoire

Je pense régulièrement à Altiero Spinelli. Son enthousiasme, son combat permanent pour l’Europe et sa bienveillance avec les jeunes.

avec Joseph Borrell, Domenec Ruiz président de l’Union Européenne des Fédéralistes et Virgilio Dastoli président du Mouvement Européen Italien

J’ai eu cette chance exceptionnelle comme président de la JEF France puis délégué général du Club Victor Hugo pour les Etats Unis d’Europe d’organiser des réunions avec lui avec la JEF au Sénat à Paris et d’être présent le 14 février 1984 au Parlement européen pour le projet de traité d’Union européenne et d’organiser des réunions et échanges avec Simone Veil et d’autres grands européens. Je n’oublie pas notre ami Virgilio Dastoli son infatigable collaborateur.

Pour bien préparer l’avenir il faut connaitre l’histoire.

Comme Président de l’Association Jean Monnet il me semble important et utile de faire un point rapide mais éclairant sur les relations entre Monnet et Spinelli.  La simplification fréquente est de les opposer  dans la méthode et les idées. La réalité est  plus complexe et en fonction des périodes n’y avait-il pas besoin de l’un et de l’autre?

Spinelli et Monnet se connaissaient, se respectaient, avaient une foi européenne et étaient au service du projet européen MAIS n’avaient pas effectivement toujours la même approche.

Spinelli leader du fédéralisme européen (courant institutionnel), en faveur d’une constituante européenne, a 44 ans quand il rencontre Monnet qui a 63 ans le 4 juillet 1951. Sa stratégie est simple : établir un rapport avec Monnet et Spaak qu’il considère comme les 2 autres forces européennes actives.

Monnet a un entretien important avec lui en juillet 52. Il apprécie les qualités d’écriture de Spinelli et lui demande d’écrire le discours d’ouverture de la haute autorité de la CECA et de diriger le bureau de presse et d’information (en fait écrire les discours de Monnet).

Spinelli est intéressé par la collaboration avec Monnet mais ne veut pas devenir fonctionnaire européen et souhaite travailler en indépendance. Ses relations avec les collaborateurs de Jean Monnet ne sont pas bonnes (Berthoin,  Uri). Forme de jalousie qui laissera des traces ?

Les différences:

Spinelli pense que Monnet doit être l’animateur du parti européen dont l’action est de favoriser la création d’une fédération européenne. Il est prêt à le soutenir mais Monnet est un inspirateur. Sa vocation est de convaincre et d’organiser, pas de créer un pouvoir pour lui-même.

 L’objectif de Monnet en février 1955 est « l’unité des peuples européens réunis dans les Etats Unis d’Europe, un processus de changement à long terme par la volonté des hommes mais aussi la sagesse des institutions ».

Un malentendu s’installe.

Jean Monnet est favorable de la politique des petits pas. Tandis que pour Spinelli, il faut avoir des jambes (fin de l’unanimité ) et après on verra la taille des pas.

Jean Monnet n’est pas pas favorable à une nouvelle initiative en faveur de la constituante européenne. Pendant qu’il élabore l’idée d’EURATOM, Spinelli élabore un plan d’action pour les Etats Unis d’Europe. Il est déçu par l’Euratom et le marché commun.

Spinelli renouera son amitié avec Monnet dans les années 60 mais il considère que ses conversations avec lui ont été un stimulant important pour son mûrissement intellectuel et politique.

Quelques enseignements pour ma conclusion :

  • ne jamais abandonner après un échec
  • être pragmatique
  • rassembler et élargir
  • respecter les sensibilités
  • avoir de la méthode

J’invite à lire l’excellent livre de Maria Grazia Melchionni paru à la Fondation Jean Monnet de Lausanne.

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