Entre o cinismo americano e a atitude europeia de esperar para ver, a Ucrânia enfrenta um verão mortal

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28 Julho 2025


Tribune parue dans Libération en date du 21 juillet 2025, sous le titre «  Face au cynisme américain, l’Europe peut encore sortir de son attentisme pour éviter un été meurtrier à l’Ukraine

L’inflexion de Trump sur les livraisons d’armes est bienvenue, mais le délai accordé à Poutine ouvre tout l’été la voie à une offensive meurtrière des forces russes. Pendant que l’Europe s’assoupit dans les vacances, comment aider l’Ukraine à résister ?

Le président américain annonce désormais la reprise des livraisons d’armes – notamment les systèmes Patriot si cruellement nécessaires pour protéger les villes et les civils – via un système « Cash and Carry » : l’Europe paie, l’Amérique produit, livre et encaisse, l’Ukraine reçoit. Mais cette inflexion masque une réalité troublante.

Un piège mortel est tendu derrière cette offre. En accordant 50 jours au Kremlin pour instaurer un cessez-le-feu, Trump lui offre exactement le temps nécessaire pour mener à bien son offensive d’été. Pendant que les Européens s’apprêtent à partir en vacances, les carnassiers de Moscou, épaulés par 30 000 soldats nord-coréens, redoublent de voracité. L’économie russe vacille, mais Poutine veut une victoire militaire avant que les sanctions ne l’accablent, afin de décourager les alliés de Kyiv.

La contradiction est flagrante. Le 13 juillet, Emmanuel Macron proclamait devant les armées françaises que « la Russie constitue une menace existentielle qui pèse sur notre liberté ». Il annonçait un doublement du budget de la Défense d’ici 2027, atteignant 64 milliards d’euros. Mais quelle logique y aurait-il à construire une défense européenne qui n’inclue pas l’armée ukrainienne, la plus expérimentée au feu et la plus innovante du continent ? Quelle logique y aurait-il à invoquer une menace existentielle tout en refusant les mesures qui permettraient rapidement et à moindres frais de la conjurer en Ukraine ?

Contre l’attentisme européen, des solutions applicables rapidement.

Car ces solutions existent, juridiquement fondées et militairement efficaces, applicables dès maintenant. Elles ne ruineraient pas nos budgets, ne dégarniraient pas durablement nos arsenaux et ne risqueraient pas inconsidérément la vie de nos soldats.

La défense antiaérienne de l’Ukraine doit être renforcée au plus vite. Puiser dans les stocks européens des batteries Patriot et SAMP/T pour protéger les cités et installations énergétiques ne compromettrait pas notre sécurité. L’Allemagne s’est déjà engagée dans cette voie.

Activer le plan Skyshield permettrait d’interdire le ciel ukrainien aux missiles et drones russes sans confrontation directe avec l’agresseur. Environ 120 chasseurs européens répartis sur des bases OTAN de pays limitrophes suffiraient à protéger la moitié de l’espace aérien, capitale et centrales nucléaires comprises.

Confisquer les 210 milliards d’euros d’avoirs russes placés sous séquestre européenne s’impose pour financer la protection et la reconstruction de l’Ukraine. Le droit international l’autorise comme « contre-mesure » en cas d’agression.

Il faut en outre renforcer et faire respecter les sanctions économiques, en traquant les pétroliers de la « flotte fantôme » de Moscou, en lui fermant les détroits baltiques, en cessant les achats de gaz liquéfié et d’uranium. L’économie russe, au bord de la récession, ne résisterait pas à l’assèchement de sa rente énergétique.

Un contingent européen de surveillance peut être envoyé pour surveiller la frontière biélorusse, laissant ainsi des brigades ukrainiennes libres de se redéployer sur le front est.

Il importe enfin de se soucier du sort des gens. De prétendus « réalistes » s’effarouchent de « l’escalade », comme si elle était le fait des défenseurs d’une nation attaquée. Ces bons esprits prêchent l’abandon de territoires, alors que l’invasion russe ne vise pas seulement l’annexion de l’Ukraine mais la destruction totale de l’identité d’un peuple qui a choisi de déterminer librement son destin.

Comme le répète Oleksandra Matviichuk, présidente du Centre des libertés civiques de Kyiv, prix Nobel de la paix, il s’agit des enfants déportés en Russie, des civils détenus illégalement, des prisonniers de guerre soumis aux tortures et aux violences sexuelles, des millions de personnes qui vivent dans des zones grises. « People first ! », ajoute-t-elle. « Si l’on néglige cette dimension humaine, on ne trouvera jamais le chemin vers une paix durable. »

Cet été sera décisif. Poutine mise sur la lassitude occidentale et l’effet anesthésiant des congés pour réussir sa percée. Face à cette stratégie, l’Europe ne peut se contenter de constater la menace : elle doit agir. Le général Burkhard, chef d’état-major des armées françaises, l’a souligné : « la sécurité de l’Europe se joue en Ukraine ». Si l‘issue était une victoire russe, « on deviendrait les herbivores dans un monde de carnivores ». Cette lucidité stratégique doit se traduire par des actes politiques.

Le sursis offert à Poutine par Trump impose à l’Europe de saisir l’urgence du moment et d’agir sans délai. Dans 50 jours, si Poutine réussit son offensive d’été, il sera trop tard. L’Ukraine aura payé le prix de nos hésitations, entraînant dans son recul l’idée même d’une Europe libre et souveraine.

Les dirigeants européens peuvent encore marquer l’histoire du continent en forgeant une véritable coalition de volontaires, et non une ligue de velléitaires. C’est une question de vie et de mort pour l’Ukraine, sa population, sa langue et sa culture. C’est aussi une épreuve existentielle pour l’Europe qui se conçoit comme un espace de droit et de démocratie. L’Europe est seule, elle doit en prendre acte et se hisser à la hauteur de son destin.

L’Ukraine défend l’Europe contre la Russie. Mais qui protégera l’Europe contre son propre attentisme, quand chaque jour compte ?

Signatários

Tribune portée par :

Galia Ackerman, directrice de rédaction de Desk Russie

Vincent Desportes, Général de l’armée de terre (2S)

Antoine Garapon, magistrat

Ariane Mnouchkine, fondatrice et directrice du Théâtre du Soleil

Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue

Pierre Raiman, historien, Vice-Président de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !  

Sylvie Rollet, professeure émérite des universités, Présidente de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !  

Dominique Schnapper, ancienne membre du Conseil constitutionnel

Olivier Védrine, politologue, administrateur de l’association Jean Monnet

Emmanuel Wallon, professeur émérite des universités en sociologie politique

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