Invasion de l’Ukraine : Neuf ans de guerre. L’affirmation des oppressés dans le contexte d’une Europe divisée ? 

Géopolitique

24 mars 2023


par Zacharie Schaerlinger

Conférence EUROSORBONNE

Conférence

du 13 mars 2023

Débat animé par Arthur Leveque

  • Mari Luist, Diplomate politique à l’ambassade d’Estonie.
  • Anne De Tinguy, historienne et politologue spécialiste de la politique étrangère de la Russie et de l’Ukraine.
  • Volodymyr Kogutyak, Activiste franco-ukrainien et militant pour la paix.

Ouverture du débat par Arthur Leveque : La guerre a commencé avec l’annexion de l’Ukraine. La guerre à pris des milliers de vies, mais la guerre suscite des émotions différentes en Europe. Comment est-ce que les Ukrainiens voient les Russes ? La démocratie russe s’arrête à la question ukrainienne. Reste-t-il de bons russes dans l’opposition ?

Volodymyr Kogutyak. Il y a deux parties chez les ukrainien : les bons Russes n’existent pas. Des gens qui ont perdu leur maison, leur vie et famille, d’autres personnes ont été violés. Pour d’autres, il y a des Russes contre Poutine et la guerre. Il n’arrive à rien faire, ils ont peur de finir en prison, tués, déportés. Il faut absolument les soutenir parce que ce sont eux qui vont réformer leur pays.
Mari Luist. Elle a vu un départ massif de centaines de milliers de russe fuir leur pays. La société civile Russe existe en dehors de la Russie. Navalny rassemble de bons points mais a un impact limité. Le changement de société ne pourra rien faire : peur, résignation et indifférence.
Anne De Tinguy. Cette guerre n’était pas une fatalité. L’image des russes était bonne, dans des enquêtes d’opinions. Il y avait de nombreux liens géographiques, émotionnels entre russes et ukrainens. Depuis 1991, les ukrainiens ont souhaité faire un retour à l’Europe mais depuis longtemps ils ne voulaient pas choisir entre la Russie et l’Europe. Pour eux, aller vers l’Europe n’était pas négociable mais ils avaient la volonté de garder des liens avec les Russes. Cette image est finie en 2014, les ukrianiens ont vu la joie des Russes pour l’annexion de la Crimée et la population russes dont des membres de l’opposition sont d’accord avec Poutine. Ce processus a continué en 2022 et cette invasion est insensée, malgré les liens entre la Russie et l’Ukraine, la confiance est rompue avec un degré de barbarie qui à définitivement mis un terme aux bonnes vues de la Russie en Ukraine.
Il y a une différence entre la société Russe et l’État russe. L’Holodomor a laissé des traces terribles de la perception de l’État Russe en Ukraine. On peut reprendre l’incident en 2003 où les russes tentent de créer une digue entre la Crimée et la Russie. Cet évènement suscite une émotion formidable avec une contestation importante. Revenons en 1992, il y a une méfiance des dirigeants et les Ukrainien ont demandé des garanties en matière de sécurité aux Américains avec le mémorandum de Budapest.
La Démocratie en Russie ? De quoi parle-t-on ? Après les années 1990, il y a eu des volonté de démocratisation mais ce fut un échec terrible. La question Ukrainien est singulière pour les Russe. De tout temps les Russes, quelle que soit leur opinion, ont à l’égare de l’Ukraine un sentiment particulier, les Ukrainiens sont des Russes qui s’ignorent. Il n’y a pas vraiment d’identité ukrainienne. On pouvait parler de l’OTAN et débattre avec des collègues universitaires russe mais jamais parler de l’Ukraine. Enfin, les européens ont une historiographie sur l’Ukraine avec des lunettes russes et nous reprenons leur narratif. La Russie est née à Kiev, cet empire a duré entre le 9 et le 13 siècle et la Russie est l’héritière de cette empire. Cette histoire délégitimise les racines de l’Ukraine. Pour Poutine et son imaginaire, ces terres sont historiquement russe. Enfin, l’opposition russe a été laminé.
Volodymyr Kogutyak. Navalny est contre cette guerre, il a reconnu que la Crimée est ukrainienne.

Arthur Leveque. Un documentaire sur le russe Navalny a gagné au Oscar face à un Ukrainien. Est-ce normal ?
Anne De Tinguy. Navalny était focalisé sur la corruption, quel est le plan économique et politique ? Beaucoup de gens hésite, même les politiques français, hésitent sur la Crimée
Volodymyr Kogutyak Navalny a proposé un vote utile face au candidat de Russie unie. Il proposait la liberté des médias et une refonte de la justice. Si on accepte une partie de l’impunité du conflit, ce sera mauvais pour le reste. En France, la Crimée est un sujet discuté. La Crimée est Russe depuis 1763, mais la population d’origine est Tatare mais elle a été déportée par Staline et remplacée par des Russes.
Anne De Tinguy. La fin de cette guerre va être compliquée à cause des mouvements de population en Crimée et la reconquête du Donbass va être difficile à cause des politiques de russification. Admettons qu’on propose un vote aux populations locales sous contrôle russe vis-à-vis de leur appartenance à la Russie ou à l’Ukraine, que va-t’il se passer ?

Arthur Leveque. On a une coupure entre Europe de l’Ouest et de l’Est. Dans les pays Baltes et en Pologne, il y a plein de drapeaux Ukrainien mais pas autant en France. Comment l’expliquer ?
Mari Luist. La géographie joue mais les horreurs remontent à la période soviétique, la temporalité est plus proche de la seconde guerre mondiale. Chaque personne d’au moins quarante ans se souvient de cette époque. Ce qui est en jeu, c’est la stabilité de l’Europe. C’est une question de valeur, on ne peut pas les renier et il faut donner de l’espoir. La France est un allié important. C’est une question européenne, est-ce que l’Europe peut tenir ? On aurait pu faire plus et on doit faire plus. Les estoniens ont demandé un achat commun de munitions de la part de la Commission et nous sommes optimistes, nous sommes passés d’un totalitarisme soviétique à une démocratie. Ce qui est choquant est de s’inquiéter de la perte de la guerre de la Russie plutôt que de renforcer notre unité.
Anne De Tinguy. La formidable cohésion qu’il y a eu des européens a été une vraie force, Poutine ne s’y attendait pas. Il y a eu un mouvement massif de soutien à l’Ukraine. Ce que les Européens ont pu faire étaient formidables, avoir des sanctions lourdes avec l’unanimité à 27 dans des domaines qui peuvent avoir des sanctions très dures pour nos populations.

Arthur Leveque. Y a t’il une « guerre de Poutine » dans le paysage médiatique, un sentiment de russophilie ?
Anne De Tinguy. C’est la structure de la Russie. Poutine a reconnu que la décision d’envahir la Crimée a été prise pendant une belle nuit avec quelques proches. Elle ne fait pas de lien, la guerre de Poutine fait sens. Macron parle de « contacte », c’est absolument nécessaire. On ne peut pas rayer la Russie de la carte. Il est évident qu’il faudra faire quelque chose pour la Russie, qui en trop mauvais états fera de nombreuses bêtises. Il ne faut pas confondre russophile et poutinophilie. Les discours sur les sanctions européennes viennent de Russie, “les sanctions ne servent à rien, l’UE s’est tiré une balle dans le pied, les valeurs traditionnelles de la Russie” comment est-ce qu’on peut parler de valeur traditionnel quand on bombarde un pays, le discours anti-européen et anti-américain est importé de Russie.
Volodymyr Kogutyak Sur Macron, c’est un vrai personnage. Il ne faut pas humilier la Russie, mais 3 jours après ils donnent des César à l’Ukraine. Ils sentent une vrai solidarité, pourtant ont peut voire une Pologne beaucoup plus engagé, la Russie est un État terroriste et la France « nous avons a pu observer des comportements qui se prêterait à du terrorisme ». En France on a du temps, les polonais, non ils sont les suivants. Quant à la culture nous intervenons pour faire des boycott de culture russe. Ceux sont toujours les mêmes qui sont là, la musique permet de rassembler des personnes qui soutiennent Vladimir Poutine. Si on veut que la Russie ne soit plus un danger pour ses voisins, il faut que l’Ukraine gagne cette guerre.

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